Il y a 5 ans j’ai pris la décision la plus importante de ma vie.
La décision la plus difficile.
Pas un jour ou presque ne passe sans que je pense à cette décision.
Cette décision elle a probablement changé ma vie.
Cette décision elle a changé qui j’étais.
Cette décision elle a changé mes croyances.
Cette décision est devenue un de mes combats.
Il y a 5 ans, nous partions en famille à Amsterdam !
Premier stop, Moulins pour voir la famille.
Au détour d’un café en famille, une des filles a besoin d’une serviette car elle a ses règles.
« Tiens, elle a ses règles. C’est marrant moi ça fait combien de temps que j’ai pas eu les miennes d’ailleurs ? »
Une question anodine mais les retards ça ne manque pas chez moi.
Le lendemain nous partons pour Lille, puis après Amsterdam.
Notre premier grand périple en famille.
Jules et Sacha ont 2 ans et Eden a 4 ans.
C’est une grosse organisation, un gros stress ça peut expliquer mon retard.
Oui mais les jours passent.
Et au détour d’une petite rue d’Amsterdam, ce n’est pas dans un coffee shop que je vais me rendre mais dans une pharmacie.
Un test de grossesse.
« Ça me rassurera et ça les déclenchera sûrement ».
Les enfants devant un dessin animé,
Le mari qui lui profite des avantages des Pays Bas.
(Les avantages qui se fument hein… Pas les avantages en nature dans les vitrines).
Un pipi pour se rassurer et…
La crise d’angoisse.
Je me revois dans cette mini salle de bain aux carreaux noirs.
Elle était belle mais est devenue en quelques secondes austère.
Je tremble.
Ma respiration a du mal à se calmer.
J’appelle Antoine en répétant « non non non ».
Antoine qui se décompose en comprenant.
Les larmes qui coulent.
Cette colère contre mon corps.
Cette fatigue intense qui monte en moi.
Et ces mots qui résonnent dans ma tête :
« Non je ne suis pas capable »
« Non je suis trop fatiguée »
« Non je ne l’ai pas choisi »
3 enfants à 28 ans c’était pas mal déjà.
Jules et Sacha ne faisaient pas leurs nuits,
Eden était la seule à aller à l’école sur les 3.
Antoine et moi on était crevés…
Lui je savais son envie directe.
C’était catégorique il n’en voulait pas.
Mais moi ?
J’étais épuisée oui.
J’étais en colère oui.
Mais est-ce que j’étais capable d’interrompre une grossesse ?
J’ai toujours répété « Je suis pour l’avortement mais pas sur moi ».
Je suis à Amsterdam.
Je pleure dans une mini salle de bain à l’idée d’être enceinte.
Je suis épuisée physiquement et moralement des nuits hachées.
J’ai 3 enfants en bas âge.
Je commence à peine à me retrouver.
J’ai quitté mon job quelques mois avant pour me mettre à mon compte donc un peu bancale l’histoire.
Antoine n’est plus malade mais si ça revenait ?
Mon couple n’est pas au top et si je rajoute un nouveau joueur pas sûre qu’on tienne le choc…
Autant d’évidences qui font que cette grossesse je ne suis pas capable de la mener à terme.
Alors il faut appeler en France.
Mon gynécologue est en vacances.
Il faudra attendre une dizaine de jours pour le voir.
C’est rien 10 jours et pourtant qu’est ce que c’est long.
10 jours à ne pas savoir si tu as le droit d’aimer cet être qui malgré tout grandit en toi.
10 jours à te demander si tu prends la bonne décision.
10 jours où machinalement tu vas toucher ton ventre par moment et t’imaginer si tu le gardais.
10 jours à chercher des signes ici et là pour voir si vraiment c’est LA bonne décision à prendre.
10 jours à ne pas profiter pleinement de tes vacances parce que tu sais que bientôt il va falloir affronter ta décision.
Après Amsterdam nous avions une semaine à Center Parcs.
Finalement on l’abrègera après 4/5 jours face à mon besoin d’être chez moi.
D’être dans ma zone de confort matérielle à défaut de l’avoir dans ma tête.
Impossible de penser à autre chose.
Et si rien n’arrivait au hasard ?
Et si il était en vacances pour que j’aie le temps de changer d’avis ?
Après tout 4 enfants c’est peut être faisable ?
Ce bébé est peut être la réponse à mes maux ?
Et puis la raison après …
Et si il fait exploser mon couple ?
Et si je n’y arrive pas ?
Et si il y en a encore 2 ?
Et si je suis encore alitée ?
Et si mon corps est encore plus abimé suite à ce nouveau bébé ?
Et il faudrait encore changer de voiture.
Et il faudrait encore déménager.
Comment je vais faire avec 3 bébés qui ne font pas leurs nuits ?
Est ce que j’avais envie de tomber enceinte ?
Malheureusement la réponse je la savais au fond de moi.
Et malgré cette certitude, j’ai pleuré encore et encore.
Alors il a fallu passer par l’étape échographie.
Pas de moment mignon où on nous fait écouter le cœur.
Il ne me montre même pas l’écran par pudeur.
Il le tourne vers lui.
Il imprime une image qu’il cache et m’explique la marche à suivre.
Encore 2 jours à attendre.
ENCORE.
Mais avant de partir, je lui demande la photo.
J’ai besoin de le voir.
J’ai besoin de lui dire au revoir.
Le jour J a été une épreuve.
C’est pourtant simple.
On nous donne un cachet et on reste un peu dans une chambre le temps d’expulser…
La suite ?
3 mois à me vider de mon sang et un corps qui n’expulsera pas tout.
Un curetage d’urgence plus tard ce sera enfin terminé.
Enfin c’est ce que je croyais.
Il n’y avait plus de bébé dans mon corps.
Mais il était là dans ma tête.
Inlassablement.
La dépression.
Les heures passées à me sentir seule dans cette épreuve.
Ce choix qui je savais était le bon et pourtant me rendait encore plus mal que si je l’avais gardé si ça se trouve…
Pourquoi personne ne dit qu’on peut être triste même si on a fait « le bon choix ».
J’ai peur pour moi et je me sens tomber.
Mon corps va mieux mais mon cœur est en miettes.
Je prends donc la décision d’aller voir une psychologue.
J’avance dans mon chemin.
J’ai besoin d’aller de l’avant.
Je pars travailler en coworking pour m’obliger à sortir de chez moi.
Je monte Just GO pour m’occuper un peu.
Je passe à autre chose…
Je sais que j’ai pris la bonne décision.
Et pourtant.
Je pense à lui souvent.
Depuis 5 ans je me demande où j’en serais.
« Là je devrais accoucher »,
« Il aurait 1 an »,
« Il commencerait l’école là »,
« Est ce que Jules et Sacha auraient été des bons grands frères »…
Tout le temps !
Est ce que c’est normal d’y penser aussi souvent ?
Est ce que ça passe avec le temps ?
J’ai déjà un début de réponse car oui mes questions ne sont plus aussi intenses.
Mais souvent je marche avec mes enfants, je les regarde et je me dis « Si je l’avais gardé j’aurais un 4 ans de plus dans cette bande ».
Et 95% de temps je me reprends en me disant « Mais mon dieu comme tu galèrerais vu comme tu as du mal avec juste 3 ».
Naïvement je pensais que l’avortement mettait un point final à ce passage dans ma vie.
Mais en fait il fait partie de moi et de qui je suis.
Aujourd’hui l’adage « Rien n’arrive au hasard » je continue de le croire.
Et je me dis que ce moment m’a prouvé que je pouvais être forte dans des situations qui j’aurais cru n’étaient pas possibles pour moi.
Je me dis que grâce à cette interruption de grossesse, j’ai été capable de prendre une grande décision dans l’intérêt de ma famille en ne l’agrandissant pas. Et du coup j’ai apprécié 10x plus la chance que j’avais de les avoir.
Après cette dépression je me suis plongée dans le boulot et j’ai lancé Just GO qui est aujourd’hui mon bébé qui a le même âge que celui qui n’aura pas été.
Et depuis plusieurs années maintenant et suite à mon premier article j’ai des messages régulièrement pour me remercier d’aider des femmes à se reconnaître en mon expérience.
Alors d’une situation si difficile ressort toujours du positif.
Mais sachez le, ou plutôt rassurez vous si vous êtes comme moi.
Régulièrement je pense à lui.
Régulièrement j’imagine où je serais si il avait été là.
Régulièrement je calcule son âge.
C’était MA décision.
Toutes les femmes devraient être libres de disposer de leur corps et je continuerai de partager mon histoire encore et encore afin d’aider à mon échelle dans ce combat de tous les jours.
Je me bats aussi pour que les gens comprennent que l’avortement n’est pas toujours simple psychologiquement même si il est un choix assumé.
Que ce soit avant, pendant ou après.
Qu’on peut se taire bien souvent mais que dans nos cœurs on a toujours une pensée pour lui.
Je le répète et je me le répète mais souvent à ce bébé je m’excuse et je le remercie pour son sacrifice qui m’a fait grandir et a déclencher d’autres belles choses dans ma vie.
Il aurait 4 ans.
Il n’a pas été une vie, mais pourtant il fait partie de la mienne à tout jamais. Il m’a changé et m’a même permis d’évoluer.
Alors à toi qui passe par là, sache que si tu as avorté un jour et que toi aussi tu cherches son âge de temps en temps :
– Tu n’es pas seule !
Si tu viens d’apprendre ta grossesse et que tu ne sais pas si tu as envie de le garder :
– Quoi que tu choisisses, tu prendras la bonne décision j’en suis sure.
Si tu viens ou tu vas avorter et que tu fouilles Google pour t’aider, te rassurer :
– C’est normal de pleurer ! Tu as le droit d’être déboussolée, triste, perdue suite à cette si grosse décision. Tu n’es pas seule.
Et enfin si ton avortement ne t’a absolument pas marqué et que tu n’y repenses jamais :
– C’est génial ! Chaque histoire est unique et on a tous notre façon de réagir et ce n’est pas grave si on ne vit pas les mêmes sentiments.
Voilà, une piqure de rappel sur ce moment qui m’a changé à tout jamais.
J’espère que comme mon précédent, cet article aidera celles qui sont venues se réconforter par ici.
Je vous embrasse;
Lalie
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